L’absinthe, surnommée par l’écrivain Irlandais Oscar Wilde «La Fée Verte» est élaborée au XVIIIe siècle en Europe dans le Canton Suisse de Neufchâtel par une vieille rebouteuse.
L’élixir de la mère Henriod à ce moment ne contient pas encore d’alcool, il est employé à un usage thérapeutique et revendu aux colporteurs de passage dans le Val-de-Travers.
En effet, l’Artemisia Absinthium de la famille des Armoises a des vertus médicinales, elle est employée en décoction, cataplasme ou eau distillée afin de soigner les maux d’estomac, les dérangements digestifs et autre fièvre. Ses effets sont bénéfiques lorsqu’elle est préparée dans l’officine d’un pharmacien requérant la connaissance approfondie des plantes.
L’usage de l’absinthe n’est pas nouveau, un papyrus égyptien de 1600 avant J.C la recommande comme remède contre la fièvre, stimulant et antiseptique.
Pythagore pensait que les feuilles de cette plante dans le vin stimulaient l’accouchement et Hippocrate la prescrivait pour combattre l’anémie, les règles douloureuses et les rhumatismes.
La plante aux valeurs médicinales va vite se transformer en boisson alcoolisée.
Un courtier en dentelles, le major Dubied, rachète la formule du breuvage. L’homme d’affaires intéressé et avide d’enrichissement ne perd pas de temps, sitôt la formule en poche, il s’associe avec son gendre Henri-Louis Pernod, dont le père est bouilleur de cru, afin d’ouvrir une distillerie, transformant le remède en boisson apéritive qui rencontre un grand succès dans la région.
En 1805, l’absinthe fait un tollé et Henri-Louis Pernod veut voler de ses propres ailes, au revoir «beau papa», il quitte son associé et la Suisse, il installe sa propre distillerie dans la vallée du Doubs à Pontarlier, mais se fournit toujours en matière première chez les producteurs des montagnes du Jura Suisse.
La boisson pontissalienne est composée, en plus de l’absinthe, de fenouil, d’hysope, d’anis, de mélisse… Elle va connaître un essor national en 1830 lors de la conquête de l’Algérie. Louis-Philippe envoie trente cinq mille hommes en Afrique du Nord avec de l’absinthe dans les cales de ses navires, piètre remède d’un vert opaque (à présent alcoolisé) qui dilué dans l’eau est destiné à soigner les soldats et les colons de la dysenterie et de la malaria. De retour en France, les officiers ne manqueront pas d’en faire la propagande.
A Paris c’est la déferlante, à grand renfort de publicités peintes l’absinthe étale son nom sur les murs, et ses affiches sur les vitrines des cafés.
Une nouvelle expression circule sur les Grands Boulevards, «l’Heure Verte», de cinq à sept heures les cafés se remplissent et le rituel de l’absinthe peut commencer (voir poème de Pétrus Borel plus bas).
Un rituel qui se répand dans les cafés et les salons chics de toute la France.
Dans la bonne société le service à absinthe est plus luxueux, les verres sont en cristal, les cuillères percées et déclicatement ouvragées sont en argent, les fontaines à eau sont en cristal ornées d’argent et les petits doigts sont en l’air.
L’absinthe rencontre un tel succès que toute la France participe au cérémonial de «l’Heure Verte».
Mais toute médaille a son revers, si l’absinthe est devenue la boisson nationale, ses opposants de bonne vertu la stigmatisent comme poison pour alcoolique, ce qui n’est pas tout à fait faux.
L’absinthe n’échappe pas aux artistes, ils en usent et en abusent à flot, l’appel des sirènes est trop fort pour ces marins de la bohême, ils aiment succomber au charme des substances qui les mènent sur un océan de créativité, d’échange intellectuel et artistique. Boire de l’absinthe est un art ; c’est un art de vivre.
Elle inspire beaucoup d’artistes puis en détruit d’autres. Van Gogh, Manet, Degas, Gaugin, Toulouse-Lautrec, Wilde, Rimbaud, Baudelaire, Allais, Hémingway, Jarry…
Charles Cros écrit un fameux poème
« Comme bercée en un hamac,
La pensée oscille et tournoie,
A cette heure ou tout estomac
Dans un flot d’absinthe se noie, … »
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